Une question récurrente
Qu’est-ce qui est le plus efficace : un jeu de formation ou une vidéo d’instruction ? Un jeu-cadre ou un Serious Game ?
Beaucoup de gens m’écrivent pour me demander de donner des preuves (issues de la recherche scientifique) que les jeux de formation sont meilleurs que tout autre type de stratégie de formation.
Cette question ressemble beaucoup à une autre question : Qu’est-ce qui est le meilleur, les pommes ou les oranges ?
À l’évidence, la réponse dépend d’un certain nombre de facteurs.
- De quelle variété de fruit parlons-nous ? J’aime les pommes Golden Delicious, mais je déteste la variété Granny Smith. J’aime les oranges maltaises, mais pas la variété à peau épaisse.
- Quel est le but que nous recherchons ? Les oranges sont très appréciées en jus au petit déjeuner, mais beaucoup moins pour faire des tartes.
- De qui sommes-nous en train de parler ? Certaines personnes préfèrent les oranges, et d’autres préfèrent les pommes. Et certaines autres personnes n’aiment ni l’un ni l’autre de ces fruits. Et d’autres encore sont allergiques à l’un ou à l’autre.
La comparaison entre les jeux de formation et l’utilisation de vidéos (ou de conférences, de manuels, d’ateliers de thérapie comportementales ou de toute autre stratégie de formation) est tout aussi sensée que de comparer des pommes et des oranges.
De quel type de jeu parlons-nous ?
Quand nous parlons de jeux de formation, qu’est-ce que cela signifie exactement ? À ce jour, j’ai travaillé sur plus de 60 stratégies interactives expérimentales, qui peuvent toutes s’inscrire dans la définition habituelle du jeu de la formation. À l’évidence, il y a une énorme différence entre un jeu de simulation, qui reflète d’aussi près que possible des méthodes de travail réelles, et un ice-breaker de début de formation.
De même, de quoi parlons-nous lorsque nous utilisons le terme de vidéo ? S’agit-il de la vidéo d’une conférence donnée par un expert, ou un documentaire primé sur les comportements créatifs, ou encore d’un extrait d’un long-métrage utilisé pour illustrer un contenu pédagogique ?
Que diriez-vous d’une vidéo qui présente différentes situations clés de la relation client, où l’on fait une pause après chaque situation, où des équipes analysent la situation et formulent des recommandations, puis marquent des points selon la similitude entre leurs recommandations et celles d’un panel d’experts ? Est-ce que nous classerons cette technique hybride en jeu de formation ou en vidéo d’instruction ?
Une méta-analyse des différentes techniques de formation
Il y a quelques années, mon ami Richard Clark, de l’université de Californie du Sud, a fait une méta-analyse des recherches menées sur la comparaison entre différents supports de formation, tels que le film éducatif et l’enseignement en classe. Sans surprise, Clark est arrivé à la conclusion que les moyens utilisés ne font aucune différence. Ce qui fait la différence, ce sont les caractéristiques spécifiques du moyen utilisé.
Par exemple, nous pouvons utiliser une approche de type « apprentissage par la découverte » avec un film éducatif ou par une leçon en classe. Le facteur essentiel n’est pas le moyen utilisé, mais une caractéristique spécifique du moyen utilisé. Si l’on extrapole les résultats de Clark à notre question initiale, nous en conclurons que ce ne sont pas les jeux de formation qui sont importants par eux-mêmes, mais certaines caractéristiques des jeux (telles que la participation active, le fait de marquer des points, l’interaction entre les membres de l’équipe ou la compétition entre les équipes). Ce ne sont pas les vidéos en tant que telles qui feront la différence, mais certaines caractéristiques des vidéos (telles que le réalisme, le mouvement ou la mise en œuvre des capacités audiovisuelles).
Quel but recherchons-nous ?
Qu’un jeu soit plus efficace qu’une vidéo dépend également du but pour lequel ce moyen est utilisé. Un jeu de simulation est efficace lorsqu’il est utilisé pour aider les participants à acquérir certaines compétences. Toutefois, il serait inefficace pour aider les participants à se connaître au début d’une session de formation. Un ice-breaker répondra à un vrai besoin pour faire entrer les participants dans le sujet de la formation, mais sera perçu comme complètement stupide s’il est utilisé au milieu d’une formation pour faire une analyse coûts-efficacité. Lorsque l’on compare un jeu de formation à une vidéo, ou un jeu de formation à un autre jeu de formation, ou une vidéo à une autre vidéo, il est important de préciser la raison pour laquelle telle ou telle technique de formation est utilisée.
De quels participants parlons-nous ?
Différentes personnes réagissent différemment au même jeu de formation. Par exemple, un jeu qui motive un groupe de jeunes cadres dynamiques français pourra être perçu comme exaspérant et hors de propos par les employés d’une administration américaine, et carrément agressif pour un groupe de techniciens japonais. De même, une vidéo qui enthousiasme un groupe de jeunes adultes pourra plonger dans une grande perplexité un groupe de personnes âgées. L’inverse pourra également être vrai : une vidéo qui plaira aux baby-boomers pourra définitivement faire mourir d’ennui des membres de la génération Youtube.
Proposons une réponse
Comparer les jeux de formation avec d’autres techniques de formation n’a donc pas grand sens, à moins de préciser exactement :
- les caractéristiques particulières du jeu de formation envisagé et de l’autre technique ;
- le but pour lequel on souhaite utiliser le jeu de formation ou telle autre technique de formation ;
- qui seront les participants au jeu de formation ou à telle autre technique de formation.
Nous pouvons donc reformuler ainsi notre question initiale à travers un exemple.
Laquelle de ces deux techniques est-elle la plus efficace pour aider un groupe d’employés d’hôtel expérimentés à acquérir des compétences dans leur service à la clientèle : un jeu de simulation authentique, qui intègre des incidents représentatifs et comprend un long débriefing structuré par un animateur expert, ou une vidéo présentant différents cas, des graphiques et des explications, suivie d’une discussion en groupe ?
Ainsi posée, la réponse à la question est évidente : les deux techniques pourront être tout aussi efficaces l’une que l’autre.